Architecte d'intérieur auto-entrepreneur à Tours : les coulisses méconnues de mon métier
Quand je dis que je suis architecte d’intérieur, les réactions sont souvent les mêmes. On me demande si je passe mes journées à choisir des rideaux et des coussins. On s’imagine que je fais « comme à la télé » : en quelques coups de baguette magique, un espace est transformé, et tout ça pour trois fois rien.
Je comprends : de l’extérieur, notre métier semble simple et créatif, un peu comme un jeu d’enfant. La réalité est bien différente. Être architecte d’intérieur auto-entrepreneure, c’est exercer un métier-passion qui demande de porter plusieurs casquettes à la fois : créative, technique, stratégique, commerciale, administrative… C’est aussi naviguer entre les idées reçues et un contexte économique qui reste souvent invisible pour le grand public.
Derrière chaque projet, il y a des heures de réflexion, de conception, de coordination, des imprévus à gérer, et une charge mentale qui ne se voit pas. Et quand on est à son compte, ces défis prennent une dimension particulière.
Aujourd’hui, j’ai envie de lever le voile sur ce que vous ne voyez pas. Parce que si j’adore ce métier, il y a aussi des aspects méconnus qui méritent d’être partagés. Un témoignage qui, je l’espère, aidera les clients à comprendre pourquoi faire appel à un architecte d’intérieur est un vrai investissement, et qui fera écho aux confrères et consœurs qui se reconnaîtront dans ces lignes. Voici une plongée dans la réalité d’un métier exigeant, trop souvent sous-estimé.

Architecte d’intérieur ou décoratrice ?
La confusion qui colle à la peau.
C’est sans doute le malentendu le plus fréquent. Combien de fois ai-je entendu :
« Ah, donc vous êtes décoratrice ? Vous venez choisir les rideaux et poser des coussins ? »
« Oui je vois très bien ce que tu fais, j'adorais regarder Valérie Damidot ! »
« J'adore redécorer mon intérieur, je fais un peu ton métier finalement ? »
« En gros, vous venez avec un moodboard Pinterest et on refait la pièce ? »
« J’ai déjà acheté des meubles chez IKEA et fait mon plan sur leur site, c’est un peu pareil ? »
« Je suis très créatif aussi, j’ai refait ma salle de bains tout seul, je comprends votre métier ! »
« Et sinon vous faites du home staging ? »
La réalité
Pas vraiment. Être architecte d’intérieur, c’est d’abord penser un espace dans sa globalité. Repenser la circulation d’un logement, optimiser chaque mètre carré, intégrer la lumière naturelle, respecter les contraintes techniques et réglementaires, dessiner des plans détaillés pour des artisans… Et oui, parfois la déco fait partie de la mission, mais elle n’arrive qu’après tout ce travail en profondeur.
Ces confusions sont légion et traduisent une vraie méconnaissance des limites et spécificités de chaque métier. Réduire notre métier à « harmoniser les couleurs » ou « faire des plans » revient à ignorer tout ce qui le rend complexe et précieux.
Exemple concret : Pour illustrer, je pense à une cliente qui avait acheté plusieurs biens en SCI pour les rénover et les mettre en location. Elle avait d’abord fait appel à une décoratrice. Au fil de la prestation, elle s’est rendue compte que ce n’était pas la bonne interlocutrice pour restructurer ses appartements et réaliser des plans techniques. Résultat : une prestation payée qui ne lui servait pas (ou pas encore), et une perte de temps.
Il y a eu aussi ce client qui voulait créer une salle de sport dans un hangar brut de 210 m² avec des mezzanines et l’ouverture d’un mur porteur. Pour lui, une décoratrice pouvait suffire. Sauf qu’il fallait un architecte DPLG ou HMNOP pour valider les interventions structurelles et un architecte d’intérieur pour organiser l’espace.
La télévision et internet ont brouillé les cartes :
quand l’illusion devient la norme
Les émissions de décoration ont fait rêver des millions de téléspectateurs. On y voit des équipes transformer une maison de 100 m² en quinze jours chrono, avec des plans qui sortent en quelques clics et des matériaux qui semblent tomber du ciel. Tout ça pour un budget à peine supérieur au prix d’un frigo.
C’est divertissant, c’est beau à l’écran, mais soyons honnêtes : ça n’a rien à voir avec la réalité. Dans la vraie vie, un projet demande plusieurs semaines, voire plusieurs mois de conception. Il faut des artisans qualifiés, des matériaux qui coûtent de plus en plus cher, des délais de livraison qui explosent, et une coordination millimétrée pour que tout s’enchaîne sans accroc.
« Vous pourriez me refaire tout l’appartement pour 10 000 € et que ce soit fini le mois prochain ? »
Je ne compte plus les fois où l’on m’a demandé de rénover une salle de bains pour le prix d’un réfrigérateur… et en 3 jours. Quand j’explique calmement que ce n’est pas réaliste, on me regarde avec une pointe de méfiance, comme si je cherchais à profiter de la situation.
Mais non : je cherche simplement à protéger le projet et à éviter les déceptions. Car derrière un chantier réussi, il y a une réalité moins glamour : des contraintes techniques, des artisans parfois surchargés, des autorisations administratives, des matériaux à commander, des aléas à anticiper.
Le problème, c’est que la télévision a banalisé notre savoir-faire. Elle a fait croire qu’un architecte d’intérieur pouvait “tout faire vite et pas cher”.
Une appellation non protégée:
un vrai flou pour le client
À cela s’ajoute un autre problème : l’appellation “architecte d’intérieur” n’est pas protégée en France. Contrairement au titre d’“architecte DPLG” ou “architecte HMNOP” (qui, eux, sont encadrés par l’Ordre des Architectes), n’importe qui peut se déclarer architecte d’intérieur… même sans formation, sans assurance, et sans réelle connaissance des contraintes techniques ou réglementaires.
C’est un peu comme si un garagiste pouvait s’improviser “ingénieur automobile” parce qu’il aime bricoler des moteurs dans son garage. Sur un projet d’aménagement intérieur, cette confusion peut avoir des conséquences lourdes : erreurs techniques, projets irréalisables, défauts de conformité… et des milliers d’euros perdus.
Résultat ?
Un marché brouillé et des clients perdus.
Une décoratrice peut tout à fait se présenter comme “architecte d’intérieur” sans que personne ne lui demande de justificatifs.
Un autodidacte, aussi talentueux soit-il en décoration, peut s’improviser “expert en aménagement” après avoir suivi un tutoriel sur YouTube ou une formation express de trois mois.
Et pour le client, aucun moyen immédiat de distinguer un professionnel expérimenté, diplômé et assuré, d’un amateur bien intentionné mais limité dans ses compétences.
Les conséquences de cette confusion :
Les fausses formations et écoles “express”
Le phénomène est amplifié par la multiplication des formations rapides qui promettent de devenir “architecte d’intérieur” en six mois. Sur les réseaux, on voit fleurir des coachings en ligne qui vendent le rêve d’une reconversion express : “Apprenez à transformer des espaces et devenez votre propre patron en 3 mois”. Mais peut-on sérieusement maîtriser un métier aussi complexe en un temps aussi court ?
Soyons clairs : rien ne remplace 5 ans d’études exigeantes, des stages en agence, une expérience de terrain, ni la connaissance des normes, des contraintes techniques, et la capacité à collaborer avec des artisans. Ces formations éclairs produisent une vague de professionnels mal formés qui saturent le marché et renforcent la confusion auprès du grand public.
Et bien sûr, leurs prestations étant souvent proposées à des tarifs très bas, cela entretient l’illusion qu’un vrai projet d’architecture intérieure peut se faire vite et pas cher.
Pourquoi c’est un problème pour tout le monde ?
- Pour le client, parce qu’il peut investir dans une prestation inadaptée ou incomplète, se retrouver avec un projet irréalisable, des erreurs qui coûtent cher ou se retrouver bloqué parce que son “architecte d’intérieur” n’a pas les compétences ni les assurances nécessaires, ou devoir payer une seconde fois un autre professionnel pour reprendre le projet.
- Pour les architectes d’intérieur diplômés, parce que cela tire la profession vers le bas, banalise des compétences techniques pointues, et rend plus difficile la défense de tarifs justes. Quand des clients confondent notre travail avec celui d’un décorateur ou d’un influenceur déco, il devient très difficile de faire comprendre la valeur réelle d’une prestation complète, et donc de défendre des honoraires justes.
- Et pour la qualité des projets, car le manque de formation se traduit souvent par des conceptions bâclées, des chantiers mal coordonnés et des espaces qui ne répondent pas vraiment aux besoins des utilisateurs.
“C’est cher pour juste des plans” :
mais voyons plus loin…
C’est sûrement la phrase qui nous fait le plus grincer des dents.
« Mais vous ne faites que des plans… pourquoi c’est aussi cher ? »
Derrière un "simple" plan, il y a :
Et ce n'est qu'une infime partie... De nombreux autres paramètres sont à prendre en considération, mais cela fera l'objet d'un prochain article de blog, car le sujet est vaste !
Je comprends que ça puisse surprendre : ce que je vends n’est pas un produit tangible, mais un service, un savoir-faire, des idées, un accompagnement… et des heures de travail et de réflexions invisibles.
Ce que le client voit, ce sont mes dossiers, mes visuels 3D, mes plans. Mais ce qu’il ne voit pas, ce sont les heures passées à résoudre des problèmes, à anticiper des contraintes et à coordonner les différents corps de métier. Un projet moyen peut représenter 140 à 180 heures de travail, parfois bien plus.
Exemple concret : Un jour, une cliente m’a contactée pour rénover son séjour de 30 m². Mon devis dépassait de quelques centaines d'euros le budget qu’elle s’était fixé : 1 000 € pour mes honoraires. Une somme qui peut paraître conséquente… jusqu’à ce qu’on réalise tout ce qu’elle couvre.
Et puis il y a ceux qui négocient… comme si nous vendions des tapis sur un souk animé. Comme si notre travail pouvait être raboté, retaillé, marchandé à la criée. Nous vendons un service, pas un produit sur lequel nous pouvons jouer sur une marge ou sur la TVA. Mes prix sont calculés justement, et ma grille tarifaire a mis plusieurs années à s'établir.
Exemple concret : Je pense à cette cliente qui venait d’acheter une magnifique maison et prévoyait plus des centaine de milliers d’euros de travaux pour tout refaire, intérieur comme extérieur. Un projet ambitieux, global, qui demandait une vraie réflexion d’ensemble pour structurer les espaces et donner cohérence à l’aménagement.
Elle me contacte pour conceptualiser six pièces. Après l’envoi de mon devis – soigneusement calculé, dans la moyenne du marché – elle revient vers moi en me disant qu’elle souhaite finalement réduire la prestation à seulement deux pièces. Pourquoi ? Parce que la note globale des artisans commençait à “monter” et qu’elle devait “faire des choix”. Jusque-là, rien d’anormal.
Mais elle enchaîne : « Est-ce que vous pouvez me faire votre meilleur devis ? J’apprécierais vraiment. »
Sous-entendu : “pouvez-vous encore baisser vos prix ?”
À ce moment-là, tout se mélange : le besoin de rester professionnelle, l’envie de défendre la valeur de mon travail, et ce petit pincement de lassitude… Dois-je me justifier ? Dois-je rappeler que ma prestation ne consiste pas seulement à dessiner quelques jolis plans, mais qu’elle est le fruit de mon expertise, de mes années d’études, de mes heures de conception et de réflexion, de ma capacité à optimiser des espaces et des budgets ?
Car derrière chaque devis, il y a des dizaines d’heures qui ne se voient pas : l’écoute des besoins, la traduction des envies en solutions techniques, la création de propositions sur mesure, les échanges avec les artisans, l’anticipation des contraintes, la gestion des imprévus.
C’est un travail intellectuel, créatif et technique qui ne peut pas être bradé sans perdre en qualité.
Ce qui me frappe, c’est ce paradoxe : un client qui peut débloquer des sommes colossales pour refaire sa toiture, changer ses huisseries ou rénover ses façades, mais qui considère mon intervention – celle qui va donner une cohérence à tout son projet et en révéler tout le potentiel – comme accessoire ou négociable. Et qui parfois est même prêt à remettre en question son choix de faire appel à un architecte d'intérieur, alors que s'il est venu à nous au départ, c'est qu'il ressentait le besoin de notre accompagnement et donc de notre plu value.
Au fond, la vraie question est celle-ci :
pourquoi l’architecte d’intérieur est-il souvent perçu comme la dernière roue du carrosse ?
Est-ce parce que notre métier est mal compris ? Parce qu’on vend un service immatériel qui ne s’achète pas en rayon ? Parce que les émissions de télé ou les plateformes low-cost ont banalisé notre savoir-faire ?
Quoi qu’il en soit, je refuse de céder à la tentation de “faire un effort” au détriment de mon travail. Car cet effort-là, en réalité, ce sont des heures en moins sur la conception, une qualité d’accompagnement qui s’effrite, et au final un résultat qui ne sera pas à la hauteur de mes standards.
Au fond, la vraie question est :
Pourquoi l’architecte d’intérieur est-il souvent perçu comme la dernière roue du carrosse ?
Est-ce parce que notre métier est mal compris ? Parce qu’on vend un service immatériel qui ne s’achète pas en rayon ? Parce que les émissions de télé ou les plateformes low-cost ont banalisé notre savoir-faire ? Peut-être encore un sujet vaste que l'on pourra aborder dans un prochain article..
Quoi qu’il en soit, je refuse de céder à la tentation de sous évaluer mes prix au détriment de mon travail. Car cet effort-là, en réalité, ce sont des heures en moins sur la conception, une qualité d’accompagnement qui s’effrite, et au final un résultat qui ne sera pas à la hauteur de mes standards.
La pédagogie permanente :
un rôle que l’on endosse sans l’avoir choisi
Une autre facette invisible de notre métier, c’est la pédagogie. Celle qu’on pratique au quotidien, souvent sans même s’en rendre compte, parce qu’elle est devenue une seconde nature.
J’explique sans cesse, encore et encore, la différence entre architecte d’intérieur et décoratrice, les limites de chaque profession, les obligations légales, le rôle des artisans, les démarches administratives… Bref, tout ce que le client ne voit pas et croit souvent maîtriser grâce à une émission de télé ou deux vidéos YouTube.
“Ah mais je croyais qu’une décoratrice pouvait me faire les plans techniques ?”
Non, une décoratrice n’est pas habilitée à modifier la structure d’un bâtiment ni à fournir des plans techniques pour des artisans. Son travail se concentre sur l’habillage et l’ambiance d’un espace.
Cela semble évident pour nous, mais pour le grand public, tout se confond. Les appellations ne sont pas protégées, et certaines plateformes entretiennent la confusion.
Ce travail d’éducation est essentiel pour le bon déroulement du projet. Mais il est aussi chronophage et rarement pris en compte dans un devis. Car expliquer ces nuances ne se fait pas en cinq minutes : il faut reformuler, illustrer avec des exemples concrets, parfois convaincre des clients sceptiques.
À cela s’ajoute la nécessité de leur rappeler leurs obligations en tant que maître d’ouvrage : le respect des délais, des validations écrites, des choix définitifs… tout ce qui paraît évident pour nous mais qui doit être rappelé pour éviter les malentendus.
Exemple concret : (reprenons mon cas de figure réel) une cliente fait appel à une décoratrice pour restructurer un appartement… pour finalement découvrir que ce n’est pas le bon interlocuteur et qu’elle doit repartir de zéro avec un architecte d’intérieur. C’est une perte de temps, d’énergie et d’argent.
Et moi, je me retrouve souvent à rattraper ce genre de situations, tout en devant expliquer pendant des heures pourquoi mon intervention est différente et complémentaire.
Il y a aussi la pédagogie “psychologique” :
- accompagner un client qui doute de ses choix,
- expliquer pourquoi une solution est techniquement meilleure qu’une autre,
- démontrer qu’un budget doit être cohérent avec l’ambition du projet.
Exemple concret : Cette cliente qui rêvait d’une verrière sur mesure, d’une cuisine haut de gamme et de matériaux nobles… pour un budget qui ne permettait même pas la moitié. Là encore, il faut expliquer calmement la réalité du marché, proposer des alternatives intelligentes et éviter qu’elle se sente jugée ou frustrée.
Ce rôle, je l’endosse par passion. Mais il faut bien le dire : c’est une charge mentale supplémentaire qui ne se voit pas dans les rendus 3D ni dans les plans.
Le travail invisible : ce que vous ne voyez jamais
Mon métier ne se résume pas à dessiner et créer. La conception pure ne représente qu’une partie de mon travail. Une grande partie de mon temps est absorbée par des tâches annexes :
Tâches annexes
Administratif
Gestion administrative et financière
Marketing
Communication et développement commercial
Veille
Formation et développement professionnel
Gestion de crise
Résolution de problèmes et urgences
Un jour, j’ai passé presque une journée entre téléphone et Google pour trouver un carrelage de remplacement après qu’un lot complet a été livré… cassé. Ces heures-là ne sont pas visibles sur un devis, mais elles font la différence entre un projet qui avance et un chantier paralysé.
Et bien sûr, mon cerveau ne s’arrête jamais. La créativité n’a pas d’horaires : je peux avoir une idée pour un projet à 23h ou en pleine nuit. Contrairement à d’autres métiers où l’on peut “fermer la porte du bureau” en fin de journée, ici, les rouages restent en marche en continu. Parce qu’un espace bien pensé demande de la maturation, des allers-retours mentaux, et parfois une étincelle qui arrive quand on s’y attend le moins.
Mais ce qui use encore plus, c’est cette dimension psychologique que personne n’évoque jamais quand on parle d’architecture d’intérieur. En réalité, nous ne sommes pas seulement des créatifs ou des techniciens. Nous endossons aussi, souvent malgré nous, le rôle de médiateur, de confident, voire de coach.
Exemples concrets : Prenons ce couple, Monsieur rêvait d’une cuisine ouverte pour inviter ses amis et cuisiner en discutant, tandis que Madame redoutait les odeurs de cuisson et préférait une cuisine fermée, “comme chez sa mère”. Les deux avaient des arguments valables, mais chaque réunion de projet tournait au débat houleux. À moi de trouver un compromis qui respecte leurs besoins et… leur couple. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de tracer une cloison ou non : il faut aussi gérer les émotions, rassurer, reformuler, guider, apaiser.
Et puis, il y a ces clients qui n’arrivent pas à se décider. Comme cette cliente adorable mais indécise qui voulait tout valider “pour être sûre”. Résultat ? Quinze modifications sur la même pièce, des aller-retours incessants entre un vert sauge et un bleu gris, entre un carrelage effet terrazzo et un parquet contrecollé.
Chaque changement a des répercussions en cascade : refaire des plans, ajuster les 3D, recalculer les métrés, rappeler les artisans pour confirmer ou corriger. Tout cela demande du temps, de l’énergie et beaucoup de patience. Et dans ces moments-là, il faut garder un ton neutre, rester pédagogue et accompagner le client sans jamais montrer qu’en coulisses, on refait une partie du travail à zéro.
Comme si cela ne suffisait pas, il faut composer avec les aléas des chantiers. Les artisans qui ne répondent pas aux appels ou qui mettent deux mois à envoyer un devis. Ceux qui annoncent qu’ils ne pourront pas venir “avant trois semaines” alors que le chantier est censé démarrer lundi. Ou pire : ceux qui ne se présentent pas le jour J, sans prévenir, laissant le client et moi-même dans une situation délicate. Là encore, c’est à moi de temporiser, de trouver des solutions et de rassurer tout le monde.
En réalité, une grande part de mon travail consiste à absorber le stress de chacun : celui des clients qui ont peur de se tromper ou de dépasser leur budget, celui des artisans qui jonglent avec leurs propres contraintes. Je suis le liant entre toutes ces parties, celle qui prend les coups quand quelque chose ne va pas et qui doit malgré tout garder le sourire et la maîtrise du projet.
Les réalités économiques d’une auto-entrepreneure :
quand le brut n’est pas le net
Il ne faut pas se tromper : quand un client signe un devis, chaque euro facturé ne va pas directement dans ma poche. Loin de là. Une grosse partie de ce que je facture s’évapore avant même que je puisse en profiter.
Répartition d'un euro facturé :
D’abord, il y a les cotisations sociales (URSSAF) et les impôts, qui partent automatiquement. À cela s’ajoutent les logiciels professionnels indispensables (pour faire des plans, des 3D réalistes, des estimations de coûts), les assurances (responsabilité civile professionnelle, décennale), les frais de comptabilité, de communication, de matériel informatique… et j’en passe.
Pour proposer un projet de qualité, il faut investir en continu :
- Des logiciels comme Archicad, Twinmotion, SketchUp… qui coûtent plusieurs centaines, voire milliers d’euros chaque année.
- Des formations pour rester à jour sur les normes, les tendances, les techniques.
- La gestion du site web, du référencement, des réseaux sociaux… qui ne tombent pas du ciel.
Tout cela est à ma charge, et contrairement à une société classique, je ne peux pas récupérer la TVA sur mes achats. Autrement dit, quand je paie 1 200 € un logiciel, c’est 1 200 € “plein pot” qui sortent de ma trésorerie.
Ensuite, il y a la réalité sociale du statut d’auto-entrepreneure :
- Quand je pars en vacances, je ne gagne pas un centime. Il faut tout anticiper, économiser en amont, et accepter qu’aucune journée n’est payée si je ne travaille pas.
- Pas de tickets restaurant, pas de participation à une mutuelle d’entreprise, pas de retraite complémentaire ni de prévoyance. Chaque protection doit être souscrite et financée par mes soins.
- Une maladie ou un imprévu ? C’est non seulement une perte de revenus, mais aussi une charge mentale supplémentaire pour rattraper le retard.
Alors, quand un client me demande de “faire un effort” pour arrondir un devis ou “gratter un petit geste”, il ne se doute pas que chaque réduction se répercute directement sur mon revenu personnel.
Contrairement à une grande entreprise, il n’y a pas d’“effet volume” qui permet de compenser. Sur un projet, si je cède 10 % de remise, c’est une part de mon temps et de mon énergie que je donne gratuitement… tout en continuant de payer mes charges. Si un client tarde à me payer ou pire ne me paye pas, c'est mon loyer que je ne peux pas payer, mon assurance professionnelle mes logiciels etc.
Oui, ce statut est pratique pour démarrer, car il simplifie la gestion. Mais il a ses limites :
✔ Un plafond de chiffre d’affaires à ne pas dépasser, sous peine de basculer dans un régime plus lourd.
✔ Une imposition forfaitaire qui ne tient pas compte de la réalité des dépenses d’un métier créatif et technique.
✔ Une précarité et une instabilité (surtout quand on se lance) que beaucoup ignorent.
En réalité, derrière chaque prestation, il y a une équation fragile : comment fixer un prix qui me permette de bien travailler, d’assumer mes responsabilités et… de vivre décemment ?
Courir après les avis… et le silence pesant des devis
Un autre aspect de ce métier dont on parle peu, c’est cette course permanente après les avis clients. Aujourd’hui, on sait combien un témoignage peut faire la différence : il rassure les futurs clients, valorise notre travail, et c’est une vraie récompense morale après des semaines, parfois des mois, passés à donner le meilleur de nous-mêmes.
Et pourtant… malgré des relances, des mails soigneusement rédigés, des rappels dans le process, obtenir un simple avis est souvent une bataille. Même les clients les plus satisfaits oublient, reportent, ou trouvent cela fastidieux. Alors on insiste une fois, deux fois, trois fois… et on finit par abandonner pour ne pas paraître envahissante. Résultat : des projets magnifiques, des relations clients formidables… mais pas une ligne d’avis pour le raconter.
Et puis il y a ce silence après l’envoi d’un devis. Vous voyez, ce moment où l’on a pris le temps d’écouter un client, d’analyser ses besoins, de réfléchir à une proposition sur mesure, parfois de se déplacer… et puis plus rien. Pas un retour, pas un mot, pas même un “merci, nous allons réfléchir” ou un “ce ne sera pas pour cette fois”.
On se retrouve à se poser mille questions :
- Est-ce que c’est le prix qui a bloqué ?
- Est-ce qu’ils s’attendaient à autre chose ?
- Est-ce qu’il y a eu un problème de feeling ?
- Est-ce qu’ils ont finalement abandonné leur projet ?
Impossible de savoir. Et c’est ça qui est le plus difficile : ce flou qui laisse place au doute et à la remise en question. On se demande ce qu’on aurait pu mieux faire, sur quoi travailler… mais sans réponse, cela devient un travail à l’aveugle.
Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, c’est que chaque devis représente déjà un investissement de notre part.
Ce que représente chaque devis :
Tout cela sans aucune garantie que cela aboutira. Ce sont des heures de travail offertes… qui se soldent parfois par un silence radio.
Bien sûr, tout le monde a le droit de refuser une prestation. Mais ce qui est blessant, c’est quand les clients ne prennent même pas la peine de répondre ou d’expliquer pourquoi ça ne le fera pas. Un simple message suffit : “Merci pour votre devis, mais nous avons décidé de ne pas donner suite” ou “Le budget dépasse nos possibilités”.
Pour nous, ce n’est pas qu’une question de politesse : cela nous permet de comprendre, d’ajuster si nécessaire, et d’avancer. Sans ce retour, on reste dans le flou.
Conclusion : Pourquoi continuer ?
Alors pourquoi continuer ? Pourquoi persister dans un métier qui demande autant d’énergie, qui est souvent mal compris, sous-estimé, et où chaque projet est une montagne à gravir ?
Parce qu’au fond, j’adore ce que je fais. Imaginer des espaces qui vont transformer le quotidien de mes clients, optimiser des volumes pour qu’ils soient à la fois beaux et fonctionnels, révéler le potentiel d’un lieu… tout cela me passionne. Et puis, il y a ces moments précieux où tout prend sens : quand un client entre pour la première fois dans un intérieur que nous avons pensé ensemble et que je vois ses yeux briller. Quand il me dit : “Je n’aurais jamais imaginé ça, et pourtant c’est exactement ce qu’il me fallait.”
“Je n’aurais jamais imaginé ça, et pourtant c’est exactement ce qu’il me fallait.”
— Ces instants-là, ce sont eux qui donnent toute la valeur à mon métier.
C’est aussi cette envie de résoudre des problèmes là où mes clients ne voyaient que des contraintes : un espace trop petit, un agencement qui ne fonctionnait pas, un projet qui semblait irréalisable. Trouver des solutions créatives et techniques qui changent leur façon de vivre un lieu, c’est une satisfaction immense.
Pourtant, si je continue, c’est aussi parce que je crois qu’il faut faire évoluer le regard porté sur l’architecture d’intérieur.
Il faut que ce métier soit mieux compris et davantage respecté. Qu’on arrête de penser qu’un plan peut être “offert pour voir”, comme un échantillon gratuit de parfum. Chaque croquis, chaque esquisse, chaque réflexion est le fruit de mon expertise, de mon temps et de mon engagement. Ce ne sont pas des “petites idées” jetées sur un coin de table : ce sont des solutions sur mesure pensées pour répondre à des besoins précis.
Il faut aussi que l’on cesse de croire qu’un projet peut être réalisé au rabais, en compressant les délais et les budgets sans conséquences. La qualité a un prix, parce qu’elle nécessite du temps, des connaissances, des outils professionnels, et la coordination de nombreux intervenants.
Alors oui, je continuerai, parce que c’est un métier-passion. Mais j’ai aussi envie de sensibiliser : que chaque futur client qui me lit comprenne qu’en faisant appel à un architecte d’intérieur, il ne paie pas seulement des “plans” ou des “jolis visuels”. Il investit dans une expertise qui va valoriser son bien, améliorer son confort et éviter des erreurs coûteuses.
Et pour mes confrères et consœurs qui liront ces lignes : vous n’êtes pas seul.e.s. Nos difficultés sont réelles, mais notre rôle est précieux. Continuons à défendre la valeur de notre travail, à éduquer nos clients, et à faire rayonner une profession qui mérite mieux que des idées reçues et des tarifs tirés vers le bas.
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Je suis Marie Heuman.
Architecte d’intérieur depuis 2021, je partage avec vous sur ce blog, « Histoires d’intérieurs » mes conseils, mes inspirations et les leçons tirées de mon expérience.
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